5 conseils pour réussir sa mise en pages de livre #2

Vous êtes auteurice indépendant·e et vous souhaitez vous lancer dans la folle aventure d’auto-éditer votre livre et de réaliser sa mise en pages vous-même : vous êtes au bon endroit ! Graphiste spécialisée dans l’édition depuis plusieurs années, je vous donne tous mes conseils pour réussir votre mise en pages comme un·e professionnel·le. Si vous n’avez pas lu la première partie de l’article vous pouvez y accéder ici.

6. Choisir une police d’écriture

Le choix de la police d’écriture participe au jugement global qu’un·e lecteurice se fera de votre livre. En fonction des usages et des supports il ne faudra pas s’orienter vers les mêmes familles de caractères. Dans un livre de texte imprimé standard, nous cherchons à rendre la police d’écriture invisible afin qu’elle devienne simplement le vecteur de la pensée d’un·e auteurice vers un·e lecteurice. La lisibilité et le confort de lecture doivent ainsi être vos objectifs principaux, la police de caractères que vous choisirez devra être facile à lire et ne pas fatiguer l’œil (ce paramètre dépend beaucoup de l’habitude, plus une typographie est utilisée, plus elle devient habituelle pour notre œil.). La simplicité est aussi un élément important, vous devez choisir une unique typographie pour l’ensemble du document. Si vous souhaitez apporter une touche d’originalité, il est possible d’intégrer une seconde typographie — possiblement plus fantaisiste — pour les titres. À savoir qu’il ne faudra pas s’orienter vers les mêmes typographies pour un livre imprimé que pour un livre numérique.

Dans le cas d’une édition papier, pour le texte courant, il est conseillé d’utiliser une police d’écriture à empattements, plus traditionnelle que les sans-serif (sans empattements). Voici quelques exemples : 

  • Times New Roman
  • Garamond
  • Minion Pro
  • Caslon Pro

Concernant la taille de votre police de caractères, il n’y a pas de règle normalisée. En effet, pour une même valeur (en point) le corps sera différent d’une police à une autre. Par exemple, une Helvetica nous apparaît plus grande qu’une Garamond à taille équivalente. Le format du livre, la largeur de la zone de texte ou encore le public cible sont un ensemble de paramètres agissant sur votre choix final. Pour vous donner une fourchette large de taille de texte pour un public moyen, je vous encouragerai à ne pas aller en dessous de 8,5pt pour une bonne lisibilité et au maximum à 12,5pt.

Le choix de l’interlignage dépend de la taille de votre caractère, l’objectif étant d’atteindre un gris typographique moyen (lire mon article sur le gris typographique). Une règle dit que pour un interlignage harmonieux, il faut ajouter 20% de la taille du caractère à l’interlignage. Exemple : typographie 12pt (20% de 12 est égal à 2,4) interlignage 14,4pt (12 + 2,4). Le mieux pour vous reste de faire des tests d’impression à taille réelle avec différents réglages et de déterminer ensuite lequel vous semble le plus adapté pour votre livre. 

7. Appliquer les règles typographiques

Il existe un grand nombre de règles typographiques essentielles à la réussite d’un livre, mais beaucoup sont inconnues du grand public. Ces règles de composition sont nécessaires pour mettre en valeur votre texte, le rendre juste et agréable à lire. Si vous ne souhaitez pas faire appel à un·e correcteurice professionnel·le, je vous conseille de vous procurer un guide typographique, selon moi, le meilleur du marché est le Guide du typographe du Groupe de Lausanne de l’Association des typographes (édition de 2015). Il vous aidera à bien employer les majuscules et l’italique, composer les nombres et les abréviations, connaitre l’ensemble des signes de ponctuation et leurs usages ou encore diviser avec justesse les mots en fin de ligne.

Voici une liste non exhaustive de règles typographiques à appliquer à votre texte : 

  • Les guillemets anglais s’utilisent uniquement (dans un texte français) à l’intérieur d’une citation entre guillemets français
  • Pour les dialogues ou les incises ont utilise des tirets demi-cadratin (option + maj + tiret) ou cadratin (option + tiret) et pas de trait d’union
  • Les points de suspension sont un signe typographique à part entière (alt+point) et non pas trois points à la suite
  • Les crochets s’utilisent comme une parenthèse à l’intérieur de parenthèses
  • Il faut mettre une espace fine devant les signes de ponctuation double (: ; ? ! « »)
  • L’italique s’utilise pour les mots étrangers et les titres d’œuvres
  • Il ne faut pas mettre de majuscules après le point virgule ou les deux points
  • Les chiffres romains s’écrivent en petites capitales (et non en capitales classiques)

8. Régler le texte

Après avoir élaboré votre gabarit, coulé votre texte dans la maquette et procédé aux réglages de votre police d’écriture (taille du corps et interlignage), vous arrivez à l’étape de réglage du texte. Il faut savoir que les réglages par défaut de votre logiciel de mise en pages ne seront pas suffisant pour obtenir une lisibilité et un confort de lecture optimum. Le réglage du texte est assez complexe et nécessite une bonne connaissance de la typographie, il est conseillé de faire appel à un·e professionnel·le de la mise en pages pour un bon résultat.

La première chose à régler est l’alignement de votre texte, vous aurez le choix entre les options : aligné à gauche ou à droite (drapeau), centré et justifié. C’est ce dernier réglage qui est habituellement utilisé pour des livres de texte ; un texte est qualifié de justifié lorsqu’il est aligné à la fois sur le bord droit et sur le bord gauche d’un bloc de texte. L’alignement à gauche peut éventuellement être intégré pour des citations ou des paroles de chanson à l’intérieur de votre texte. En effet, pour notre œil, un texte court se lira mieux lorsqu’il est composé en drapeau, à l’inverse d’un texte long qui sera moins fatiguant à lire s’il est justifié.

Toutefois, il est courant que des formes tortueuses apparaissent dans le texte, on les appelle les lézardes. Ces trous verticaux qui déchirent le gris typographique et complexifient la lecture, résultent en fait de la superposition aléatoire des espaces des lignes d’un texte. Pour les résoudre et obtenir une belle justification, il faudra jouer sur quatre paramètres principaux : l’espacement des mots, le réglage de l’approche, le dessin de caractère et la division des mots. J’ai écrit un article détaillé sur la justification que vous pouvez retrouver ici.

Il faudra également prêter attention à la division des mots (aussi appelée césure) ; les mots coupés en fin de ligne sont commun en composition justifiée et de nombreuses règles existent pour qu’ils perturbent le moins possible la lecture (voir mon article sur la justification). Il arrive souvent que des lignes isolées apparaissent en début ou en fin de paragraphe, on les appelle les veuves et les orphelines*. Elles doivent être chassées pour éviter de brouiller la lecture, de même que les mots seuls en fin de ligne. Pour cela, vous pouvez modifier l’approche (voir mon article sur la justification) du paragraphe dont elles sont issues afin de « tirer » la ligne pour qu’elle revienne sur la page précédente ou de « pousser » une autre ligne pour qu’elle ne soit plus seule sur la page suivante.

Veuve : dernière ligne d’un paragraphe isolée en haut d’une page.
Orpheline : première ligne d’un paragraphe isolée en bas d’une page.

Retrouvez tous mes conseils pour régler un texte comme les pros dans mes articles dédiés :
→ Le gris typographique
→ La justification
→ Le drapeau

9. Ajouter les pages liminaires

Les pages liminaires sont toutes les pages qui ne sont pas le contenu du livre en lui-même. Elles sont comptées dans la pagination, mais le numéro des pages (folio) n’y apparait pas, c’est également le cas pour les pages vierges et les dernières pages de chapitre. En règle générale, le texte commence au minimum à la page 7 (le livre étant donc composé de 6 pages liminaires), la numérotation du livre débutera par le numéro 7 (et non le 1) :

Page 1 = Page de faux-titre (page de droite, non numérotée) : elle contient uniquement le titre du livre, en petit corps, centré
Page 2 = Page vierge (page de gauche, non numérotée) : elle ne contient rien
Page 3 = Page de titre (page de droite, non numérotée) : elle reprend les informations textuelles de la première de couverture et contient donc le titre, le sous-titre (le cas échéant), le nom/les noms des auteurices, le genre (le cas échéant) et possiblement le nom de la maison d’édition. Les informations gardent la même mise en forme que sur la couverture, mais sont en noir sur blanc.
Page 4 = Page de mentions légales (page de gauche, non numérotée) : cette page concerne les informations légales et administratives devant obligatoirement apparaitre dans le livre (partie aussi nommée : un ours). Elle comprend au minimum la date de publication, le nom de la maison d’édition ainsi que ses coordonnées et l’ISBN.
Page 5 = Épigraphe ou dédicace (si pas d’épigraphe) (page de droite, non numérotée) : courte citation ou dédicace à un·e proche
Page 6 = Page vierge (page de gauche, non numérotée) : elle ne contient rien
Page 7 = Page de début (page de droite, numérotée) : elle contient le début de votre texte

Les pages liminaires facultatives sont : la tables des matières, la préface, l’avant-propos, l’avertissement.

À savoir qu’en édition, il est très courant de commencer un nouveau chapitre en belle page, c’est-à-dire en page de droite. Deux cas de figure se présentent à vous : 

  • Le chapitre se termine en page de gauche, vous enchainez et commencez le chapitre d’après sur la page de droite qui suit ;
  • Le chapitre se termine en page de droite, vous passez la prochaine page de gauche (laissée blanche et non numérotée) et commencez le chapitre sur la page de droite suivante.

Il est possible d’ajouter un colophon sur les dernières pages du livre, cette section est plutôt tournée sur l’aspect technique du livre et peut contenir le nom des typographies utilisées, le type de papier, la technique d’impression, etc. À vous de voir où il vous semble cohérent d’intégrer le nom des personnes ayant travaillées sur le livre (graphistes, illustrateurices, photographes, correcteurices, etc.) Enfin, l’achevé d’imprimer est un texte légal obligatoire devant apparaitre à la fin d’un livre, il indique le nom et l’adresse de l’imprimeur, la date et le lieu d’impression, le numéro d’impression et la date du dépôt légal. Il arrive que l’imprimerie intègre elle-même au moment de l’impression les informations techniques la concernant, vous demandant donc de laisser la dernière page vierge.

10. Exporter le fichier

Votre livre est presque finalisé, il ne reste vous plus qu’à l’envoyer à l’impression. Pour cela, vous devez l’exporter au format PDF impression (uniquement PDF, pas de JPG ou autre). Une fois le document PDF exporté, contrôlez bien qu’aucune erreur ne s’y soit glissée. Vérifiez également que toutes les pages soient numérotées correctement, je vous rappelle qu’il ne doit pas y avoir de folios sur les pages liminaires, les pages vierges et les dernières pages de chaque chapitre.

L’idéal est que votre fichier comporte des fonds perdus (généralement de 5mm), ceux-ci sont obligatoires si des éléments partent à la coupe (images ou fonds de couleur allant jusqu’au bord des pages). N’hésitez pas à consulter les indications données par votre imprimerie (ou à les appeler) car les caractéristiques techniques demandées peuvent changer d’une imprimerie à une autre.

Enfin, il se peut que votre imprimeur vous demande un nombre de pages final divisible par quatre, huit ou même parfois douze. Dans ce cas, vous devrez ajouter des pages vierges (ou créer du contenu pour les remplir) jusqu’à l’obtention de la pagination demandée.

NB : Cet article se concentrait sur la mise en pages intérieure d’un livre, le fichier de couverture devant donc être réalisé à plat sur un document à part.

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